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Vulgarisation médicale : 7 astuces de pro

Updated: Jan 21, 2022

Vous vous demandez comment parler de santé à monsieur et madame Tout-le-Monde? Que vous soyez rédacteur comme moi ou clinicien, vous êtes au bon endroit.

Professionnel de la santé s'adressant à une patiente.

La vulgarisation médicale est une expertise qui s'apprend et se développe au fil du temps. On est tous un peu maladroits au début! Heureusement, plusieurs astuces peuvent vous aider à maîtriser cet art. Voici les principales.

1. Oubliez tout ce que vous savez déjà... ou faites appel à un oeil externe

C'est peut-être contre-intuitif, mais moins vous en savez sur un sujet, mieux vous pouvez le vulgariser. Je vous vois venir : « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément ». Tout à fait.

Cependant, il existe un biais cognitif qu'on appelle la « malédiction de la connaissance » (ou curse of knowledge en anglais). Plus on est expert d'un domaine, plus c'est difficile de se mettre dans la peau d'un non-initié.

Sans y penser, on aura le réflexe :

  • d'utiliser des termes techniques

  • d'omettre des informations de base

  • de donner trop de détails compliqués

Pour pallier ce problème, il faut soit réapprendre à penser comme un débutant (ce qui est très difficile), soit travailler en équipe.

Comme rédactrice dans le domaine médical, j'ai besoin d'experts pour m'alimenter en contenus et vérifier l'exactitude de mes textes. En contrepartie, j'offre ma perspective de non-initiée et de vulgarisatrice. C'est ce qui me permet de rédiger des textes accessibles pour le commun des mortels, sans compromis sur la qualité.

La collaboration pose bien sûr des défis. Par exemple, il y a parfois des désaccords sur ce qui est pertinent pour le lecteur. Mais le résultat est toujours gagnant, pour les patients et pour les professionnels de la santé.

2. Éliminez le jargon de votre vocabulaire

Utilisez du jargon et vous perdrez l'attention de votre interlocuteur. Pas convaincu? Essayez de lire un article sur la physique quantique dans une revue scientifique. Ce n'est pas si simple, non?

Plusieurs pensent qu'un expert qui utilise des termes spécialisés inspire confiance. Dans les faits, c'est le contraire. Quand on comprend notre interlocuteur et qu'on s'identifie à son vocabulaire, on est plus susceptible de se laisser persuader.

Bien sûr, à l'intérieur d'un groupe qui partage le même jargon, le langage spécialisé peut être utile. Il économise du temps et crée un sentiment d'appartenance. Toutefois, l'utiliser avec des non-initiés a pour effet de les exclure et de les désengager.

Par ailleurs, 2 adultes sur 3 ont un faible niveau de littératie en santé. Statistiquement, la majorité de vos patients connaissent peu de termes médicaux. Même ceux assez communs comme « chirurgie » ou « abdomen ».

La solution? Utilisez des mots simples, des mots de tous les jours. Dites « opération » au lieu de « chirurgie », « ventre » au lieu de « abdomen », etc. Pour vous inspirer, je vous recommande le lexique des mots alternatifs développé par le CHUM.

3. N'en dites pas trop

Il peut être tentant de donner toute l'information possible sur un sujet pour s'assurer de tout couvrir, au cas où. Toutefois, gardez ces 2 éléments en tête :

  • La mémoire est une faculté qui oublie. Plus vous donnez d'information, plus vous courez le risque qu'elle ne soit pas retenue.

  • La majorité des gens ont un faible niveau de lecture. Pour eux, un très long texte sur le Web ou un guide de 30 pages peut être intimidant.

Trop d'information, c'est comme pas assez. Limitez-vous à :

  • 2 ou 3 messages clés par communication

  • 4 pages ou 1200 mots par document

Aussi, mettez les informations importantes bien en évidence. Répétez-les plusieurs fois ou, dans un document, mettez-les en gras ou dans un encadré.

Astuce : le cerveau retient davantage l'information qui se trouve au début et à la fin d'une communication. Tirez-en parti!

4. Dites-en assez

À l'autre extrême, vous pourriez être tenté d'omettre certaines informations pertinentes. Notamment, pour économiser du temps ou pour éviter de vous créer plus de travail.

Par exemple, plusieurs cliniciens hésitent à afficher publiquement le numéro de téléphone de leur unité. Ils croient alors limiter le nombre d'appels. Toutefois, les patients sont débrouillards et finissent habituellement par trouver l'information qu'ils cherchent. Alors, pourquoi ne pas leur faciliter la tâche?

Soyez clair et donnez assez de détails. Évitez les mots creux et les propos évasifs.

Par exemple, pour expliquer comment faire un test de métaux lourds, ne vous limitez pas à dire de prendre un échantillon de cheveux. Listez les étapes à suivre et donnez toutes les informations importantes (épaisseur de la mèche, à quel endroit couper, etc.).

En utilisant un langage précis (mais libre de jargon), vous vous éviterez des questions de patients confus.

5. Donnez la bonne information au bon moment

Encore une fois, la mémoire est une faculté qui oublie. Si vous avez beaucoup d'information pertinente à donner, mieux vaut la diviser en petites « bouchées » étalées dans le temps.

Disons que vous voulez donner de l'information écrite à votre patient sur une chirurgie à venir. Vous pourriez lui remettre un premier document avant qui explique comment s'y préparer. Puis, un deuxième après qui explique quoi faire pour bien récupérer.

Réfléchissez bien au moment auquel vous donnez l'information. Trop tôt, les patients ne la retiendront pas. Trop tard, elle ne sera plus pertinente.

6. Privilégiez l'oral... mais remettez un aide-mémoire papier

Comme on l'a vu plus tôt, la majorité des gens ont des difficultés de lecture. Si vous ne faites que remettre un document papier, il se peut que l'information se perde. Il vaut donc mieux expliquer les choses à l'oral avant tout.

Toutefois, une consultation médicale n'est pas toujours un bon contexte pour apprendre. Par exemple, certains patients vivent du stress, de la peur ou de la tristesse lorsqu'ils échangent avec vous. Dans ces cas-là, il est plus difficile pour eux d'encoder l'information.

On recommande donc de leur remettre un aide-mémoire papier à la fin de vos échanges. Il permet au patient et à ses proches de revoir l'information à la maison, à tête reposée.

Si possible, faites-le préparer ou réviser par un rédacteur spécialisé en vulgarisation médicale. Il veillera à ce que l'information soit accessible. Vous augmentez donc les chances que votre document soit lu et compris.

7. Faites des tests

Vous avez bien choisi les informations à donner, les avez simplifiées pour votre clientèle et avez pris soin de les donner au bon moment. Bien joué!

Maintenant, comment savoir si elles répondent aux besoins de vos patients? Il suffit de le leur demander!

Bon, je reconnais que ce n'est pas si simple. Bien sûr, vous pouvez demander à vos patients s'ils ont compris vos explications. Mais rares sont ceux qui vous diront « Non ». Et ce, même s'ils n'ont pas tout saisi.

Pour des explications à l'oral

Je vous suggère la technique du teach-back : demandez au patient de vous répéter ce qu'il a compris. De cette façon, vous pourrez vérifier s'il a bien saisi vos explications. Vous pourrez aussi le corriger au besoin.

Peut-être avez-vous peur de paraître condescendant. Toutefois, les études montrent que les patients ne le perçoivent pas de cette façon. Si vous avez tout de même un malaise, vous pouvez adoucir le tout en blâmant votre emploi du temps ou votre mémoire défaillante :

  • « J'ai vu beaucoup de patients aujourd'hui et j'ai peur d'avoir oublié des informations importantes. Pourriez-vous me répéter ce que je vous ai dit? »

  • « Je ne me souviens plus de tout ce que je vous ai dit. Je m'en excuse. Pourriez-vous me répéter ce que vous avez retenu? »

Pour les explications à l'écrit

On recommande de faire relire votre document par des patients. Le mieux est de le faire à 2 reprises :

  • à l'étape du texte

  • à l'étape de la mise en page

La première relecture permet de valider la clarté et le ton du texte. La deuxième permet de voir si les visuels choisis sont appropriés et s'ils aident la compréhension.

Vous verrez que la majorité des patients seront ravis de vous donner quelques minutes de leur temps. On leur demande rarement leur rétroaction et ils apprécient quand on le fait!

Pour obtenir des commentaires précis, vous pouvez leur faire remplir un questionnaire avec des questions sur :

  • le contenu (y a-t-il trop d'information? Pas assez?)

  • le ton (est-il approprié?)

  • la structure (est-ce que l'information est présentée dans un ordre logique?)

  • etc.

De cette façon, vous pourrez mieux cibler les points à améliorer.

En résumé

La vulgarisation médicale peut paraître compliquée. Mais comme pour toute autre compétence, on devient meilleur avec l'expérience.

Voici les principaux points à retenir :

  1. Oubliez tout ce que vous savez déjà... ou faites appel à un oeil externe

  2. Éliminez le jargon de votre vocabulaire

  3. N'en dites pas trop

  4. Dites-en assez

  5. Donnez la bonne information au bon moment

  6. Privilégiez l'oral... mais remettez un aide-mémoire papier

  7. Faites des tests

Enfin, sachez que vous n'êtes pas seul. En effet, plusieurs professionnels ont développé une expertise en vulgarisation médicale et se feraient un plaisir de vous assister.

Vos patients vous en remercieront!

Note

Ce texte a été rédigé pour pouvoir être lu par des lecteurs de faible niveau (niveau primaire sur Scolarius). Vous ne l'aviez pas remarqué? Tant mieux!

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